lundi 4 juillet 2011

Retour des violences en Tunisie.

Tunis, à moins de deux mois des toutes premières élections libres, le gouvernement provisoire a décidé, mercredi 8 juin, de reporter le scrutin. Selon le gouvernement la date du 24 juillet avait été prise à la hâte, peu de temps après les révoltes. Mais l'organisation, au vue des 82 partis politiques, qui s'affronteront, lors de l'élection destinée à designer la futur assemblé constituante, poserait aussi  problème :"Nous avons tenu compte de l'ensemble des opinions et décidé de reporter la date du scrutin au 23 octobre", a déclaré le Premier ministre par intérim Béji Caid Essebsi et d'ajouter que "l'important est de pouvoir organiser des élections libres et transparentes pour protéger la réputation de la Tunisie et préserver l'image brillante de sa révolution".

L'incertitude du gouvernement de transition pourrait-elle entrainer un nouveau soulèvement de la population tunisienne ? Pour le blogueur tunisien Bassem Bouguerra,  passé à tabac par la police tunisienne lors d'une manifestation début mai et cité par L'Express "la date du 24 juillet était la seule chose qui nous donnait un peu d'espoir! La commission électorale a estimé que les délais prévus par la Constitution tunisienne n'étaient pas tenables, nous lui demandons de le prouver, en toute transparence. Des appels à manifester en cas de report du scrutin ont d'ailleurs déjà circulé". Seule certitude, ce changement de date, ne fait qu'enliser les rapports population-gouvernement et les tunisiens ne se sentent toujours pas suffisamment représentés. Tout cela pose aussi problème aux grand partis  d'opposition. Et si le gouvernement tunisien ne tenait pas sa promesse ? Celle d'asseoir le pays dans une véritable démocratie. Après des mois de combats acharnés dans les rues, la population était parvenue à détruire 23 ans de pouvoir autocratique. Aujourd'hui les doutes subsistent encore. Inéluctable retour en arrière ?

Le 26 avril dernier, nous avions interviewé, Sihem Bensedrine, tenace opposante au régime de Ben Ali. Directrice de la radio Kalima (radio d'opposition) elle s'exprimait après la chute de Ben Ali. Pour elle rien n'avait vraiment changé et son point de vue sur les élections du 24 juillet était clair: "Nous n’avons toujours pas le droit de diffuser, comme je vous l’ai déjà dit, la nouvelle institution est la même que la précédente. Nous demandons la levée de la censure, car au même moment, les radios de Ben Ali continuent d’émettre, et elles ont toutes les libertés qu’elles veulent. Le gouvernement nous demande de justifier de tonnes de critères et de moyens financiers énormes, mais ils sont dans l’illégalité la plus totale, puisque il n’existe pas d’autorité de régularisation dans notre pays. Les gens de l’ancien régime ne veulent pas de nous dans le système médiatique. L’enjeu est clair : il y a des élections le 24 juillet en Tunisie, encore une fois, la peur de nous laisser nous exprimer est flagrante".

Mais le premier ministre tunisien, lui, persiste et signe: "Il y a des partis qui n'étaient pas d'accord, même le gouvernement n'était pas d'accord, mais notre mission consiste à tenir des élections libres et transparentes, la révolution et la Tunisie ont une réputation que nous devons protéger. "Nous avions un choix: dissoudre la commission (électorale), revenir à des élections organisées par le ministère de l'Intérieur et retomber dans les tares de l'ancien régime, ou garder la commission, nous avons donc décidé de la garder", a-t-il ajouté, rappelle Le Nouvel Obs.



Détail important dans le discours de Sihem Bensedrine  et qui rejoint indéniablement les points de divergences actuels des tunisiens avec le gouvernement, celui de la désinformation: "La voix de la rue, c’est ce qui les dérange. On a coupé la tête, mais les anciens du pouvoir sont toujours là, ils sont dans la police, la justice, la société civile. Il faut impérativement leur enlever le pouvoir et que les jeunes continuent de se mobiliser. Qu’ils "dégagent " comme on dit chez nous. Qu’ils arrêtent avec la censure et la désinformation" avait déclaré la présidente de Radio Kalima. Nul doute que le chemin sera long, avant que les tunisiens puissent retrouver le chemin de la démocratie et celui de la confiance. Kader Abderrahim, chercheur à l'Iris, était très clair quant à la transition vers la démocratie en Tunisie: "Il faudra probablement plusieurs années, pour passer d'un système à un autre, pour changer les hommes. Le progrès c'est une évolution pas une révolution. Les choses doivent se faire de manière évolutive, constante. C'est la meilleure façon, de renforcer et d'assoir la démocratie et l'état de droit. "

Antoine Semerdjian

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